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Lettre au ministre Bill Hogan concernant le projet de suppression du programme d’immersion française

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À l’attention de: M. Bill Hogan, ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance

Objet : Éducation en langue française au Nouveau-Brunswick

Monsieur Hogan,

J’ai eu l’occasion d’assister à votre séance de consultation sur le cadre proposé concernant le français comme langue seconde. En tant que père de deux enfants dont un enfant suit le programme d’immersion actuel et un autre qui débutera à la maternelle l’année prochaine, notre famille fait partie de celles qui seront les plus touchées par ces changements.

Il était clair, dès le début, que vous n’étiez pas préparé à la réaction du public à cette consultation. Nous avons commencé avec près d’une heure de retard pour laisser à l’hôtel le temps de retirer un mur et d’installer davantage de tables pour accueillir tous les participants. Même alors, il restait encore des participants debout. On nous a dit que notre contribution serait réduite en raison du début tardif et du nombre de personnes présentes, mais les participants ont refusé que leurs préoccupations restent sans réponse, ce qui a forcé à changer le format de la consultation d’un format « bistro » à une discussion à micro ouvert, comme cela aurait dû l’être.

Je tiens à remercier les enseignants, les familles et les citoyens concernés qui ont pris le temps de venir partager leurs histoires. Il a fallu beaucoup de courage à ces personnes pour parler ouvertement de leurs luttes et exprimer leurs préoccupations concernant le programme à venir. Voir les éducateurs et les parents en larmes, sachant l’impact que cela aura sur nos enfants, était déchirant.

Cette consultation visait à définir à quoi ressemblerait le nouveau programme, mais elle s’est rapidement transformée en un débat sur la question de savoir si ce programme devait aller de l’avant, le sentiment retentissant était qu’il ne devait pas continuer. À part votre sous-ministre et vous-même, personne ne s’est levé pour appuyer le changement que vous proposez.

Alors pourquoi tant de gens sont-ils mécontents de ce changement à venir? Tout se résume aux données, et nous connaissons tous l’opinion de votre gouvernement sur les données. Les facteurs les plus importants pour réussir l’apprentissage d’une nouvelle langue sont d’avoir accès plus tôt à une formation en langue seconde et d’inclure autant de formation dans cette langue que possible pendant la journée. Le gouvernement lui-même l’a déclaré, c’est pourquoi le point d’entrée à l’immersion française a été déplacé en première année. Si l’objectif est une meilleure maîtrise du français, pourquoi réduisons-nous la quantité de français à laquelle nos enfants sont exposés?

J’ai discuté avec des enseignants de l’impact que cela aura sur les enfants du programme « English Prime ». L’envie d’apprendre le français n’est pas unanime. Il y a des enfants qui peuvent devenir frustrés compte tenu de l’énorme charge du programme français qu’ils doivent entreprendre, ce qui pourrait conduire à une plus grande apathie à l’égard de leur éducation globale. Les étudiants qui ont besoin d’aide pédagogique auront particulièrement du mal s’ils n’ont pas accès à des aides pédagogiques qui peuvent les aider à apprendre le français.

Actuellement, les enfants de la maternelle et de la première année reçoivent 66% de leur temps de classe interactionnel en alphabétisation et en mathématiques, deux cours qui, nous a-t-on dit, seront enseignés entièrement en anglais dans le cadre de ce nouveau programme. En supposant que l’art, la musique et l’éducation physique soient tous enseignés en français, les élèves recevront au moins 24% moins d’enseignement en mathématiques et en littérature qu’ils ne le font actuellement à l’école primaire. Cela aura un impact désastreux sur les étudiants, en particulier sur ceux qui éprouvent des difficultés dans ces domaines.

Le gouvernement a déclaré à plusieurs reprises que cette décision visait également à éliminer la division élitiste au sein du système éducatif. Actuellement, tout enfant peut s’inscrire en immersion française dans les écoles où elle est offerte. Ce que la plupart des familles ne peuvent pas faire, c’est se permettre de placer leurs enfants dans des écoles privées offrant un meilleur accès au français. L’élitisme que vous cherchez à éliminer sera plus grand que jamais à mesure que les familles qui en ont les moyens retireront leurs jeunes du système scolaire public au profit d’écoles privées axées sur l’éducation en langue française. S’il y a un problème avec le programme « English Prime », la réponse n’est pas de démanteler le programme d’immersion française mais d’améliorer en conséquence le programme « d’English Prime ». Cela peut être fait en recrutant et en embauchant davantage d’ergothérapeutes, d’orthophonistes, d’assistants pédagogiques et d’interventionnistes comportementaux, et en nommant davantage d’enseignants à temps plein dans les classes « d’English Prime ».

Une critique largement répandue à l’égard de l’offre d’immersion française est que toutes les écoles ne peuvent pas offrir ce programme. Assurément, si nous pouvons trouver suffisamment d’enseignants pour offrir 50% d’éducation en français à tous les élèves, alors nous pourrons en trouver suffisamment pour offrir l’immersion dans toutes les écoles de la province. Il devrait appartenir aux familles de décider si l’immersion convient à leur enfant ou si le programme « d’English Prime » offre un niveau adéquat d’enseignement en langue française.

Le Nouveau-Brunswick est une province unique, fièrement la seule province bilingue au pays. Il est ridicule de penser que nous pourrions bientôt être la seule province au pays à ne pas offrir de programme d’immersion française. Il est embarrassant de penser que les étudiants d’une province bilingue seront désavantagés par rapport à ceux de toutes les autres provinces lorsqu’il s’agira de postuler à des études postsecondaires et à un emploi dans leur propre province.

Monsieur Hogan, je vous demande de reconsidérer ce changement pour le bien-être de nos enseignants, de nos élèves et de notre province. Les parties prenantes de notre province ne sont pas intéressées par ce modèle. À l’avenir, je vous demande également d’envisager de tenir des consultations avec les parties prenantes avant de décider d’un changement, et non après.

Respectueusement,

 

Rudy Walters,

Président du conseil d’administration, Alliance des gens du Nouveau-Brunswick